Instructions pour les parties non représentées qui se préparent à un procès tenu selon la procédure ordinaire1

INTRODUCTION

Les présentes instructions s’adressent aux parties qui ne sont pas représentées par un avocat. Elles résument les procédures à suivre lors d’un procès. Il existe des procédures supplémentaires qui ne s’appliquent qu’aux procès avec jury et qui ne sont pas décrites dans le présent document.

Le juge du procès se doit d’être neutre et équitable envers les deux parties et ne peut pas donner de conseils juridiques. Le juge peut expliquer la procédure à suivre et répondre aux questions sur la conduite du procès, mais il revient aux parties de décider comment présenter leur cause.

Les étapes du procès décrites ci-dessous correspondent aux étapes qui seraient suivies par l’avocat d’une partie représentée, à l’exception des étapes à suivre si le demandeur ou le défendeur présente un témoignage.

Dans chaque affaire civile (non criminelle), il incombe au demandeur de prouver, selon la prépondérance des probabilités, les allégations contenues dans la déclaration. Cela signifie que le demandeur doit présenter des éléments de preuve qui convaincront le juge que, selon toute vraisemblance (c.-à-d. selon plus de 50 % des chances), il serait correct de statuer en faveur du demandeur.

ÉTAPES OU SECTIONS DU PROCÈS

Exposé introductif

Le demandeur peut commencer par présenter son exposé introductif. Dans ce dernier, il donnera un aperçu de sa cause et précisera le jugement ou l’ordonnance qu’il souhaite que le juge rende. Ce que le demandeur dit pendant son exposé introductif ne fait pas partie de la preuve et on ne peut l’invoquer pour prouver les faits qui devront être établis dans le cadre de l’affaire.

Après l’exposé introductif du demandeur, le défendeur aura la possibilité de présenter son exposé introductif. Le défendeur peut choisir de le faire à ce moment-là ou lorsque ce sera son tour de présenter sa cause, c.-à-d. lorsque le demandeur aura terminé de présenter sa cause.

Phase de la présentation de la preuve (ou de l’information)

À ce stade du procès, les parties peuvent appeler des témoins et présenter des documents pour établir les faits qu’elles estiment que le juge du procès doit connaître afin de statuer sur l’affaire.

Le demandeur appelle des témoins en premier. Le défendeur peut contre-interroger chacun des témoins du demandeur.

Après la déposition des témoins du demandeur, le défendeur peut (présenter un exposé introductif et) appeler ses témoins.

Une fois que le défendeur a présenté sa preuve, le demandeur a le droit de présenter des contre-preuves pour répondre à toute nouvelle question soulevée par la cause du défendeur. Cependant, le demandeur ne doit pas attendre pour faire témoigner des témoins après que le défendeur a présenté sa preuve (c.-à-d. garder des témoins en réserve) — le droit d’appeler un témoin en réplique est limité et s’applique seulement si le défendeur a soulevé une question qui n’a pas été abordée par le témoin du demandeur.

C’est à vous de décider qui va témoigner pour appuyer votre cause. Vous pouvez témoigner vous-même et faire témoigner d’autres personnes en votre faveur. Vos témoins doivent être présents au palais de justice et prêts à témoigner.

Pendant que vous témoignez vous-même, vous témoignerez comme n’importe quelle autre personne et vous ne serez pas autorisé(e) à plaider votre cause. Cela signifie que, pendant votre témoignage, vous pourrez seulement fournir des renseignements factuels. Vous n’aurez pas le droit d’interpréter les éléments de preuve, d’expliquer des questions de droit ou d’indiquer pourquoi vous estimez que le tribunal devrait rendre une décision en votre faveur. Il s’agit là d’un « argument juridique ». Les arguments juridiques doivent être présentés plus tard dans le procès, lors de la « phase de présentation des observations ».

Les parties peuvent aussi « lire » une partie d’un témoignage donné par la partie adverse lors d’un interrogatoire préalable.

Phase de présentation des observations (arguments d’interprétation ou plaidoiries)

Une fois que tous les éléments de preuve ont été présentés, le demandeur et le défendeur ont la possibilité de présenter des arguments finaux ou leur plaidoirie. Pendant cette phase, les parties présentent au juge du procès des arguments sur les conclusions auxquelles les parties veulent que le juge arrive en se fondant sur les preuves produites. Chaque partie a ainsi la possibilité de convaincre le juge qu’il devrait se prononcer en sa faveur.

Les plaidoiries peuvent seulement être présentées que par une partie ou un avocat et seulement à la phase du procès consacrée à la présentation des observations, après la présentation de tous les éléments de preuve, y compris les contre-interrogatoires.

Certaines des procédures qui seront suivies pendant les différentes phases du procès sont décrites ci-dessous.

INTERROGATION DES TÉMOINS

Interrogatoire principal, contre-interrogatoire et réinterrogatoire

Avant de témoigner, chaque témoin devra prêter serment ou affirmer qu’il ou elle dira la vérité. Le demandeur pose des questions à chacun de ses témoins. Lorsqu’une partie interroge son propre témoin, c’est ce qu’on appelle l’interrogatoire principal.

Pendant l’interrogatoire principal de vos témoins, vous n’avez pas le droit de leur poser des questions suggestives. Une question suggestive est une question qui suggère la réponse.

Exemples :

Question non suggestive :  Quel est votre nom? (La réponse n’est pas suggérée par la question).

Question suggestive :          Votre nom est John Doe, n’est-ce pas? (La question suggère la réponse).

Toutes les questions posées aux témoins doivent être pertinentes pour les questions en litige dans l’affaire.

Si une partie qui n’est pas représentée par un avocat présente un témoignage, il n’y aura pas de questions-réponses lors de l’interrogatoire principal; la partie présentera plutôt un exposé narratif des faits pertinents.

Si vous décidez de ne pas présenter des éléments de preuve sur une question en litige dans l’affaire, on pourrait déduire que rien ne contredit la position de l’autre partie sur cette question.

Une fois que le demandeur a fini d’interroger son témoin, le défendeur peut contre‑interroger le témoin. L’objet du contre-interrogatoire est d’obtenir des réponses du témoin qui permettent de vérifier la véracité ou l’exactitude de la preuve ou de faire ressortir des faits qui sont favorables au défendeur. Lors du contre-interrogatoire, les questions suggestives (qui suggèrent une réponse) sont autorisées.

Un demandeur qui témoigne en tant que témoin peut être contre-interrogé par le défendeur, comme tout autre témoin du demandeur.

Les réponses données lors du contre-interrogatoire ont le même poids que les réponses données lors de l’interrogatoire principal.

Si de nouveaux faits surgissent au cours du contre-interrogatoire et doivent être expliqués ou si un point doit être clarifié après le contre-interrogatoire, la partie qui a cité un témoin à comparaître peut réinterroger le témoin à ces sujets, mais uniquement dans le but de clarifier une ambiguïté ou d’expliquer des faits qui ont été soulevés pour la première fois au cours du contre-interrogatoire.

Une fois que le demandeur a terminé de présenter sa cause, c’est au tour du défendeur de présenter la sienne. La même procédure sera suivie, sauf que le défendeur procèdera d’abord à l’interrogatoire principal de ses témoins et que le demandeur aura le droit de contre-interroger chacun de ces témoins. Le défendeur aura également le droit de procéder à un réinterrogatoire pour clarifier des points soulevés lors du contre‑interrogatoire.

PIÈCES À CONVICTION

Les parties peuvent produire des documents ou d’autres preuves, comme des photographies ou des objets, à titre de pièces à conviction. Vous pouvez le faire en obtenant l’accord des autres parties pour les produire ou en demandant aux témoins de les identifier. Vous devez ensuite demander au juge du procès si le document ou autre objet peut être coté à titre de pièce du procès.

Vous devriez informer à l’avance les parties adverses des pièces que vous avez l’intention de présenter. Vous devez disposer d’au moins quatre copies de tout document que vous avez l’intention de présenter à titre de pièce lors du procès : une pour le témoin (qui sera éventuellement estampillée à titre de pièce du procès), une pour le juge, une pour la partie adverse et une pour votre propre usage.

OBJECTIONS

Pendant un témoignage, vous ou l’autre partie pouvez vous opposer à une question posée. Le juge du procès décidera si la réponse peut faire partie des éléments de preuve au dossier. Le juge du procès peut rejeter toute question qu’il estime inappropriée. La partie qui s’oppose à une question posée doit se lever et dire au juge du procès qu’elle s’oppose à la question. Le juge lui demandera alors d’expliquer pourquoi et demandera aux autres parties de répondre à l’objection. Exemples d’objections : la preuve n’a rien à voir avec l’affaire (pas pertinente) ou il s’agit de ouï-dire (voir ci-dessous). Si le juge du procès décide que l’objection est justifiée, il refusera la question en cause. S’il décide que la question est autorisée, le témoin devra y répondre.

De même, si une partie s’oppose à la production d’un document ou d’un objet qu’une autre partie tente de faire admettre à titre de pièce, elle doit se lever et s’opposer à son admission en disant « Objection, Votre Honneur » au juge du procès.

ÉLÉMENTS DE PREUVE

Preuve par ouï-dire

Le ouï-dire est une déclaration extrajudiciaire qui est présentée devant le tribunal en vue de prouver la véracité du contenu de la déclaration. La question du ouï-dire surgit lorsqu’un témoin témoigne sur ce qu’une autre personne a dit. Il est possible que la personne qui a fait la déclaration ne témoigne pas au procès.

Par exemple, si quelqu’un a dit quelque chose à M. B à l’extérieur de la salle d’audience et que M. B est appelé à la barre des témoins pour répéter ce que cette personne lui a dit, il se peut que M. B ne soit pas autorisé à divulguer cette information parce qu’il s’agit de ouï-dire.

Les déclarations par ouï-dire sont généralement exclues, car les témoins doivent donner leur témoignage sous serment et peuvent être contre-interrogés par la partie adverse. Si la déclaration en question n’a pas été faite par un témoin qui peut être contre-interrogé, sa véracité peut être remise en question.

Il existe quelques exceptions à la règle du ouï-dire. Par exemple, le ouï-dire peut être autorisé s’il satisfait aux critères de nécessité et de fiabilité. Au cours du procès, le juge du procès peut rendre des décisions sur l’admissibilité d’une preuve par ouï-dire.

Preuves d’expert

Parfois, les parties font appel à des témoins experts. Avant qu’une partie puisse faire appel à un expert à titre de témoin, elle doit convaincre le juge du procès que la personne est un expert dans le domaine dans lequel elle va témoigner. Un témoin ordinaire (ou « profane ») ne peut généralement décrire que les faits qu’il a observés ou les choses qu’il a vécues, tandis qu’un témoin expert, comme un médecin, est autorisé à donner son opinion dans le domaine de son expertise établie.

Les règles de procédure établissent des exigences spécifiques que les parties doivent respecter en ce qui concerne les témoins experts (Règle 53).

Si une partie pense que l’expert appelé par une autre partie n’est pas qualifié, elle peut le contre-interroger sur ses qualifications professionnelles. Si elle convient que l’expert est qualifié pour donner son opinion, elle a tout de même le droit de le contre-interroger sur les faits sur lesquels il s’est fondé pour forger son opinion et de remettre en question cette opinion.

Si le juge du procès décide que le témoin est qualifié pour présenter un témoignage d’expert (c.-à-d. une opinion), la partie qui appelle ce témoin procèdera alors à l’interrogatoire principal de ce témoin (ou déposera un rapport écrit à titre de preuve – toutes les parties doivent recevoir ce rapport avant le procès). Vous aurez ensuite la possibilité de contre-interroger l’expert sur son opinion.

Preuve obtenue pendant l’interrogation préalable

Si vous avez interrogé la partie adverse pendant un interrogatoire préalable avant le procès, vous pouvez utiliser les questions et réponses de l’interrogatoire préalable comme élément de preuve au procès (Règle 31.11). En général, il s’agira d’aveux de l’autre partie que vous souhaiterez invoquer pour prouver votre propre cause. Puisque les réponses ont été données sous serment lors de l’interrogatoire préalable, vous n’aurez pas à prouver la question à nouveau lors du procès à la condition que vous « lisiez » l’extrait de l’interrogatoire préalable afin qu’il soit consigné comme élément de preuve.

À cette fin, vous devez lire à haute voix les questions et réponses pertinentes de la transcription de l’interrogatoire préalable (et non lire vos propres notes ou un résumé de ce qui a été dit lors de l’interrogatoire préalable). Ainsi, ces questions et réponses seront consignées comme éléments de preuve. La preuve doit être admissible, de sorte que la partie adverse puisse faire des objections. Le juge du procès décidera ce qu’il sera permis de consigner comme élément de preuve. Vous devez avoir une transcription de l’interrogatoire préalable à votre disposition, car la partie adverse pourrait demander que d’autres questions et réponses soient aussi lues en preuve pour expliquer ou interpréter l’extrait de l’interrogatoire préalable que vous avez lu au procès.

Vous pouvez également utiliser la transcription de l’interrogatoire préalable si un témoin répond à une question pendant un contre-interrogatoire différemment de ce qu’il a répondu pendant l’interrogatoire préalable. Il se peut que vous préfériez la réponse donnée lors de l’interrogatoire préalable, ou que vous vouliez remettre en question la crédibilité du témoin en montrant que celui-ci a donné des réponses différentes à la même question à des moments différents. Dans ce cas, au cours du contre-interrogatoire, vous pouvez faire référence à la transcription de l’interrogatoire préalable et interroger le témoin au sujet de la réponse qu’il a donnée lors de son interrogatoire préalable qui contredit son témoignage au procès.

OBSERVATIONS OU ARGUMENTS FINAUX

Une fois que tous les témoins ont témoigné et que toutes les parties ont présenté leur cause, le juge du procès demandera à chaque partie de présenter ses arguments finaux. C’est à ce moment que vous devez dire au juge quel est le jugement ou l’ordonnance que vous souhaitez qu’il rende et pourquoi.

Dans vos arguments finaux, vous devez :

  • résumer la loi — expliquez brièvement les dispositions juridiques sur lesquelles vous vous fondez et faites référence à la jurisprudence qui, selon vous, appuie votre position;
  • résumer vos éléments de preuve et expliquer quel est leur lien avec la loi — faites référence aux éléments de preuve présentés au juge du procès qui étayent ce que vous tentez de prouver;
  • répondre aux arguments de l’autre partie — expliquez pourquoi, à votre avis, le juge ne devrait pas accepter les arguments de l’autre partie;
  • conclure — indiquez de nouveau l’ordonnance que vous demandez au juge de rendre.

Il est important de comprendre que le juge du procès rendra une décision qui se fonde uniquement sur les preuves produites au procès. Les preuves comprennent les témoignages oraux, les contre-interrogatoires et les réinterrogatoires des témoins, les preuves « lues » provenant des interrogatoires préalables et les preuves qui ont été présentées et cotées à titre de pièces à conviction. Les déclarations faites en dehors de la barre des témoins, y compris les déclarations faites lors des arguments finaux, ne constituent pas des témoignages et ne peuvent être considérées par le juge du procès comme des éléments de preuve. Il s’agit là de vos suggestions quant à la façon dont le juge du procès devrait interpréter les éléments de preuve.

Remarques 

  • Les instructions présentées ci-dessus ne sont que des instructions générales. Les parties sont responsables d’obtenir les avis juridiques et l’information dont elles ont besoin pour présenter leur cause au procès. Veuillez remarquer que le juge du procès et le personnel du tribunal ne peuvent donner des conseils juridiques à quiconque.
  • Le tribunal siège normalement le matin, de 10 h à environ 13 h, et prend une pause de 15 min vers 11 h 30. L’après-midi, le tribunal siège normalement de 14 h 15 à 16 h 30 et prend une pause entre 15 h et 15 h 15. Ces heures peuvent varier ou peuvent être prolongées pour tenir compte de la disponibilité des témoins. Les parties doivent se trouver devant la porte de la salle d’audience à 9 h 30, au moins, afin d’éviter de retarder le procès. Il est possible que l’audience se termine après 16 h 30.
  • Vous devez citer à comparaître tous les témoins qui, à votre avis, ont des preuves pertinentes à présenter au procès, ou vous assurer de leur présence au procès, afin que le procès se déroule sans interruption.
  • Même s’il est prévu que l’affaire fera l’objet d’un procès, vous pouvez toujours convenir, avant ou pendant le procès, de régler vos différends avec les autres parties. Cela ne fait pas partie du procès lui-même et le juge du procès ne doit pas être informé des négociations de règlement. Cependant, si vous parvenez à une entente sur tout ou partie des questions en litige, vous devez présenter cette entente par écrit au juge du procès. Le juge rendra une ordonnance tenant compte des conditions de l’entente.
  • Si, à n’importe quel moment pendant le procès, vous ne comprenez pas une question ou un terme utilisé en salle d’audience, veuillez en aviser le juge du procès.

[1] Dans le cas des affaires régies par la Règle 76, voir Instructions pour les litigants qui se représentent eux-mêmes qui se préparent à un procès selon la procédure simplifiée en vertu de la règle 76.