2021 Discours à l´occasion de l´ouverture des cours

Discours de la cérémonie d’ouverture des tribunaux
L’honorable Lise Maisonneuve
Juge en chef de la Cour de justice de l’Ontario
Le 14 septembre 2021

Je suis très honorée de me trouver ici, aujourd’hui, aux côtés du juge en chef Strathy et du juge en chef Morawetz. Je salue chaleureusement la lieutenante-gouverneure Dowdeswell, Monsieur Michael Morris, avocat général principal, représentant le ministre de la Justice et procureur général David Lametti et le procureur général Downey.

Pensionnats pour Autochtones

Je saisis l’occasion pour exprimer le bouleversement et la détresse que nous avons tous ressentis face à la découverte de restes d’enfants Autochtones enterrés sur les terrains d’anciens pensionnats pour Autochtones à divers endroits du pays. Les récentes révélations sur ces sépultures ont causé une onde de choc parmi la population canadienne.

Nous sommes de tout cœur avec les familles, les survivants, les communautés et les nations en deuil de tout le pays. Cette découverte nous rappelle tragiquement la honte rattachée aux pensionnats et souligne les réalités déchirantes qu’a documentées la Commission de vérité et de réconciliation. Notre Cour reconnaît l’impact que ces nouvelles ont eu sur bon nombre d’entre nous et sur la population que nous servons.

Dans le cadre de notre mandat de représentants de l’appareil judiciaire, il est important que la Cour améliore ses efforts de promotion de la réconciliation à l’heure où nous œuvrons à la modernisation du système de justice et à la résolution des problèmes sans précédent qu’a causés la pandémie de COVID-19.

Administration des tribunaux — transition

L’année passée, notre équipe administrative a été témoin de nombreux changements. J’aimerais souhaiter la bienvenue à notre nouveau juge en chef adjoint Aston Hall qui a assumé ses nouvelles responsabilités pendant une période de transformation cruciale. J’ai également le plaisir d’accueillir le juge principal régional David Gibson à son nouveau poste de juge principal régional de la région du Nord-Ouest, la juge principale régionale Karen Lische qui a été affectée à la région du Nord-Est et la juge principale régionale Sandra Bacchus qui a été affectée à Toronto. J’accueille chaleureusement le juge de paix principal régional Herb Kreling de la région de l’Est et la juge de paix principale régionale Sonia Aleong de la région de l’Ouest. Je remercie tous les juges et juges de paix sortant de leur apport précieux à notre équipe administrative.

L’année passée, 18 juges et 41 juges de paix ont été nommés à la Cour. Je souligne l’importance du travail du Comité consultatif sur les nominations à la magistrature et du Comité consultatif sur la nomination des juges de paix, et je remercie leurs membres de leur travail.

Les innovations rendues nécessaires par la pandémie

Ces 18 derniers mois ont été extrêmement éprouvants pour nous tous. La pandémie a mis à rude épreuve la santé mentale et physique d’un grand nombre d’entre nous. La pandamie à également démontré inégalités auxquelles font face les membres les plus vulnérables de la société.

C’est grâce à des efforts acharnés et un dévouement sans faille que nous avons pu garder ouverts nos tribunaux et continuer à servir le public pendant la pandémie. Nous avons réussi non seulement à gérer nos services pendant la pandémie, mais également à innover et élargir l’accès aux tribunaux, et nous n’aurions pas pu le faire sans le temps, l’effort et le savoir-faire de nombreuses personnes et organisations.

Le système judiciaire s’est adapté avec une facilité et une efficacité remarquables aux nouvelles technologies qui ont permis la tenue à distance d’audiences et de procédures nécessaires. C’est une transformation extraordinaire si l’on pense que jusqu’en mars 2020 notre Cour fonctionnait presque entièrement sur papier.

La capacité de la Cour d’offrir des instances virtuelles ne s’est pas limitée aux audiences sur la mise en liberté sous caution, renvois et inscriptions de plaidoyer, elle s’est étendue aussi aux enquêtes préliminaires, aux procès en droit criminel et de la famille et aux instances relevant de la Loi de 2017 sur les services à l’enfance, à la jeunesse et à la famille. De nombreuses cours des infractions provinciales gérées par les municipalités ont également commencé à tenir des procès à distance.

Par ailleurs, nous avons été témoins d’une expansion rapide des initiatives électroniques en vue d’optimiser l’efficacité et de réduire le besoin de se rendre en personne aux palais de justice. Par exemple, grâce à la Plateforme de transmission électronique et aux systèmes de transmission électronique des mandats, de transmission électronique des dossiers et de transmission électronique des rapports aux juges, des accusations peuvent désormais être saisies dans le système des tribunaux par voie électronique sans qu’un policier ne doive se présenter devant un juge de paix avec des documents papier. Même si nous avons déjà énormément accompli, il nous reste encore beaucoup à faire pour que les services en amont du système puissent être fournis électroniquement. J’apprécie le soutien constant que fournit la Division de la modernisation du ministère du Solliciteur général à l’égard de ces projets essentiels, qui nous rapprochent d’un système de justice sans papier.

Autre innovation majeure attendue depuis longtemps : l’établissement de tribunaux virtuels de gestion des causes. L’époque où les accusés et leurs avocats devaient se déplacer pour une comparution de 5 minutes qui pouvait très bien avoir lieu par vidéo est révolue. Ces tribunaux sont l’une des innovations de la période COVID-19 qui amélioreront de façon permanente notre système judiciaire. Parmi les autres initiatives qui ont été introduites ou élargies l’année passée, mentionnons la désignation améliorée d’un avocat, qui a réduit le besoin de comparutions au tribunal, et le protocole relatif aux audiences de mise en liberté sous caution de la Cour de justice de l’Ontario. Ce protocole a facilité la transition vers des instances virtuelles et garantit que les audiences de mise en liberté sous caution se déroulent rapidement, équitablement et efficacement.

Je tiens à préciser que si les instances virtuelles élargissent l’accès à la justice pour beaucoup, pour d’autres – y compris ceux qui n’ont pas accès à la technologie – une audience virtuelle n’est pas une option possible. Notre Cour est déterminée à offrir la possibilité d’audiences en personne, dans les cas adéquats, afin d’assurer un accès égal à la justice pour tous.

Dans les causes en droit de la famille, les magistrats se sont rapidement adaptés aux nouvelles technologies pour garantir aux parties l’accès à la justice à un moment où les familles se trouvaient confrontées à de nouveaux défis inédits à cause des confinements et des restrictions sanitaires liés à la COVID-19. Le Comité des règles en matière de droit de la famille a travaillé dur pour modifier les Règles de façon à renforcer le pouvoir de la Cour d’entendre tout ou partie d’une cause par conférence téléphonique ou par vidéoconférence. Cette modification s’est ajoutée à la modification des Règles qui a élargi le dépôt électronique de documents. Nous poursuivons nos progrès sur tous les fronts de la modernisation du droit de la famille et nous réjouissons de la mise en place de CaseLines, la plateforme de partage de documents en ligne, pour les affaires de droit de la famille de notre Cour.

Ces transitions n’auraient pas été possibles sans l’étroite collaboration entre la Cour de justice de l’Ontario, la Cour d’appel et la Cour supérieure de justice. Cette collaboration nous a permis de maintenir nos services de justice et de demeurer accessibles au public malgré les limitations causées par la pandémie. Je suis très reconnaissante au juge en chef Strathy et au juge en chef Morawetz de leur appui et de leur leadership.

Par ailleurs, je tiens à remercier l’équipe administrative de la Cour qui a travaillé d’arrache-pied pour que la Cour puisse s’adapter aux changements découlant de la pandémie : l’ancien juge en chef adjoint Peter DeFreitas, le juge en chef adjoint Hall, la juge en chef adjointe Nicklas, la juge principale et conseillère en droit de la famille Lise Parent, la juge de paix principale et conseillère Scully, ainsi que notre équipe de juges principaux régionaux, de juges de paix principaux régionaux, de juges et chefs régionaux de l’administration et de juges de paix et chefs régionaux de l’administration. Je lève mon chapeau au dévouement et à l’expertise du juge de paix Brian Norton, de la juge de paix Diane McAleer et de la juge de paix Renee Rerup ainsi qu’aux directeurs régionaux du projet de justice de paix en ligne qui ont contribué de façon inestimable à la modernisation des services en amont du système de justice criminelle.

En outre, je suis reconnaissante aux juges et juges de paix de la Cour de justice de l’Ontario. C’est grâce à leur adaptabilité et à leur engagement que la Cour a pu assurer aux justiciables l’accès à nos services pendant la pandémie. Un grand merci aussi à l’Association des juges de l’Ontario et à l’Association of Justices of the Peace of Ontario de leur assistance et de leurs conseils en cette période difficile.

Notre Cour a collaboré avec succès avec le ministère du Procureur général, le ministère du Solliciteur général et les municipalités à l’élimination des obstacles créés par la pandémie. Je remercie le procureur général Downey et le sous-procureur général David Corbett de leur soutien et de l’assistance exemplaire du personnel du ministère. La Division des services aux tribunaux, la Division du droit criminel et le Secrétariat de la reprise méritent aussi un grand merci. Je tiens également à remercier la sous-procureure générale adjointe pour les Services aux tribunaux, Beverly Leonard, et la sous-procureure générale adjointe pour le Secrétariat de la reprise, Samantha Poisson, de leurs efforts remarquables ces 18 derniers mois. Par ailleurs, la sous-procureure générale adjointe pour la Gestion des services ministériels, Paula Reid, et le directeur Peter O’Keefe ont joué un rôle indispensable en favorisant des investissements cruciaux dans la modernisation.

Un grand merci aux directeurs et chefs des Services aux tribunaux et aux centaines de membres du personnel de première ligne des tribunaux, y compris les coordonnateurs des procès et les secrétaires judiciaires, de leurs efforts acharnés pour assurer le fonctionnement des tribunaux et leur ouverture à tous les utilisateurs des tribunaux.

Je tiens également à remercier le personnel de la Cour, dirigé par l’avocate directrice Lori Newton, qui soutient directement les magistrats dans les bureaux régionaux et dans mon bureau.

Et, bien entendu, j’adresse mes sincères remerciements à nos partenaires du secteur de la justice – les avocats, la police, les services correctionnels, Aide juridique Ontario, les municipalités et les fournisseurs de services dans les domaines du droit de la famille, du droit criminel et des infractions provinciales – qui se sont adaptés aux nouvelles démarches et qui ont contribué au maintien du fonctionnement de la justice en ces temps incertains. Les tribunaux de la province ont pu demeurer ouverts grâce à vos efforts.

La pandémie — défis continus

Bien que les participants au secteur de la justice aient de quoi être fiers de leurs accomplissements ces 18 derniers mois, il reste encore des défis à relever.

L’un de ces défis que nous ne pouvons pas ignorer est le retard accumulé dans nos tribunaux. L’année passée, nous avons vu 60 000 nouveaux dossiers criminels s’ajouter aux piles de dossiers en retard. Les tribunaux traitant d’infractions à la Loi sur les infractions provinciales déclarent aussi des retards. Même si le nombre de causes en droit de la famille dans les tribunaux de gestion des causes a baissé, il y a encore des retards inquiétants dans les procès en droit de la famille.

La Cour ne ménage pas ses efforts pour réduire les retards découlant de la pandémie dans les procès en droit de la famille, en droit criminel et devant la Cour des infractions provinciales. Un certain nombre d’initiatives sont déjà en place pour réduire les retards dans les causes criminelles. C’est par exemple le cas des tribunaux de gestion des causes dirigés par des juges, l’augmentation du nombre de conférences judiciaires préparatoires au procès pour préparer les affaires au procès ou à un règlement, et l’ajout de tribunaux traitant de plaidoyers et de tribunaux de première instance.

La Cour continue en outre d’avoir des problèmes avec ses tribunaux satellites et ses tribunaux accessibles par hydravion, qui ont particulièrement souffert de la pandémie. Nous sommes déterminés à travailler avec nos partenaires de la justice et nos partenaires communautaires à la résolution de la situation intenable dans ces tribunaux et dans les communautés affectées.

Nous assistons à une résurgence du besoin d’un système d’aide juridique solide, durable et adéquatement soutenu pour les tribunaux de droit criminel et de droit de la famille afin d’assurer un accès équitable à la justice.

Si nous avons fait d’énormes progrès dans la capacité vidéo des tribunaux, il devient urgent d’augmenter le recours à la technologie et d’étoffer nos personnels, dans les tribunaux et dans les établissements correctionnels. Ces investissements sont cruciaux pour que les accusés puissent comparaître devant la Cour dans les meilleurs délais en vue de leur audience sur la mise en liberté sous caution.

Nous avons déjà énormément accompli en collaborant avec nos partenaires du secteur de la justice. Je suis sûre que ces défis pourront être relevés en poursuivant cette collaboration dans l’objectif d’établir un système de justice équitable et moderne.

Autres priorités stratégiques de la Cour

Malgré la pandémie, la Cour a continué d’œuvrer à l’atteinte de ses autres priorités stratégiques. Je parlerai aujourd’hui de trois d’entre elles.

Le comité de la magistrature pour l’équité, la diversité et l’inclusion et le Comité consultatif des initiatives pour les Autochtones demeurent des forums importants où la Cour peut améliorer et promouvoir l’équité, la diversité et l’inclusion. Nous savons que comme de nombreuses institutions du Canada, nous avons encore beaucoup à faire pour éliminer le racisme auquel font face certains utilisateurs des tribunaux. Nous nous sommes engagés à atteindre cet objectif.

En dépit des problèmes énormes qu’a causés la pandémie, la Cour est très fière d’avoir pu maintenir sa coopération avec le ministère du Procureur général et ses partenaires communautaires pour ouvrir à titre de projet pilote trois centres communautaires de justice dans l’est du centre-ville de Toronto, dans le nord-ouest de Toronto et à London. Un quatrième centre devrait s’ouvrir prochainement à Kenora. Grâce à cette initiative, la Cour de justice de l’Ontario fournit des services de justice innovants aux groupes vulnérables et marginalisés de la population.

L’avenir

Qu’est-ce que l’avenir nous réserve? Des jours et des mois incertains nous attendent face aux nouveaux variants du virus de la COVID-19 qui mettent à l’épreuve notre optimisme au sujet de la vaccination et de l’immunité collective. Il reste encore beaucoup à faire, surtout pour ceux qui sont le moins émancipés. La pandémie a contraint le système de justice à se moderniser. Nous avons fait des progrès énormes dans la prestation de services de justice virtuels et les possibilités d’amélioration de l’accès à la justice. Nous poursuivrons notre collaboration avec tous les partenaires du secteur de la justice pendant la transition d’une situation d’intervention face à la pandémie à une situation de fonctionnement post-pandémie.

Conclusion

Lorsque la pandémie sera finalement derrière nous, je suis sûre que le système de justice sera beaucoup plus robuste. Nous aurons un système qui a bénéficié d’innovations et qui inclut les personnes les plus vulnérables de la société.

 

Cour de justice de l’Ontario