Juge Howard I. Chisvin

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DANS L’AFFAIRE DE L’AUDIENCE EN VERTU DE L’ARTICLE 51.6 DE LA LOI SUR LES TRIBUNAUX JUDICIAIRES, L.R.O. 1990, ch. 43, dans sa version modifiée, en ce qui concerne les plaintes relatives à la conduite de l’honorable juge Howard I. Chisvin

Devant : L’honorable juge Robert Sharpe, président
Cour d’appel de l’Ontario

L’honorable juge Deborah K. Livingstone
Cour de justice de l’Ontario

M. W. A. Derry Millar
WeirFoulds LLP
Membre représentant les avocats

M. Anish Chopra
Membre représentant le public
Comité d’audition du Conseil de la magistrature de l’Ontario

Avocats :

Me Marie Henein
Henein and Associates
Avocate chargée de la présentation

Me Brian H. Greenspan
Greenspan, Humphrey and Levine
Avocat du juge Howard I. Chisvin

MOTIFS DE LA DÉCISION

[1]              Il s’agit d’une audience tenue conformément au paragraphe 51.4 (18) et à l’article 51.6 de la Loi sur les tribunaux judiciaires, L.R.O. 1990, ch. 43, en vue d’examiner trois plaintes concernant un incident d’inconduite de la part de l’honorable juge Howard I. Chisvin.

[2]              Les faits ayant donné lieu aux plaintes sont exposés en détail dans un exposé conjoint des faits accepté par l’avocate chargée de la présentation et l’avocat du juge Justice Chisvin et signé par le juge Chisvin lui-même. Les faits présentés ci-dessous proviennent de l’exposé conjoint des faits.

A.           FAITS

[3]              Le juge Chisvin, qui fait l’objet de la plainte, est un juge de la Cour de justice de l’Ontario affecté à présider dans la région du Centre-Est. Le juge Chisvin remplit ces fonctions depuis le 18 février 2004.

[4]              Le Conseil de la magistrature de l’Ontario a reçu trois plaintes, par écrit, au sujet de la conduite du juge dans la salle d’audience, le 21 juillet 2011. Les plaintes ont été déposées par le ministère du Procureur général, par un membre du public qui était avocat et qui exerce en Ontario depuis plus de 50 ans, et par deux membres du public qui ont déposé une plainte conjointe.

[5]              Les allégations ont été examinées par un sous-comité des plaintes du Conseil. Le 24 janvier 2012, le juge Chisvin a eu la possibilité de répondre aux plaintes. Le sous-comité a achevé son enquête et présenté ses conclusions devant un comité d’examen du Conseil.

[6]              Après avoir passé en revue les renseignements recueillis dans le cadre de l’enquête, y compris la réponse du juge Chisvin, le comité d’examen a ordonné la tenue d’une audience sur les allégations formulées dans l’avis d’audience conformément à l’article 51.6 de la Loi sur les tribunaux judiciaires.

Faits survenus le 21 juillet 2011

[7]              Le matin du 21 juillet 2011, le juge Chisvin présidait un tribunal des plaidoyers dans la salle d’audience 202 de la Cour de justice de l’Ontario, au 50, rue Eagle Ouest, à Newmarket. Le tribunal des plaidoyers est un tribunal spécial qui entend des affaires pour lesquelles un règlement est anticipé, notamment sous la forme d’un plaidoyer de culpabilité et de conférences préparatoires au procès. Les personnes qui comparaissent devant ce tribunal, dont l’accusé et les plaignants, s’attendent généralement à ce que leur affaire se règle définitivement lors d’une audience prévue devant le tribunal des plaidoyers.

[8]              Le 21 juillet 2011, le tribunal a commencé sa séance à 10 h 05, 01 seconde. À 10 h 14, le tribunal a pris une brève pause pour permettre au juge d’aller chercher des documents dans son cabinet. La séance a repris à 10 h 17, 28 secondes. Après avoir traité tous les dossiers devant lui, le tribunal a suspendu la séance de 10 h 21, 30 secondes, à 10 h 29, 10 secondes.

[9]              Le tribunal a continué à s’occuper de quelques affaires. Une pause a été prise à 11 h 23, 11 secondes. La greffière a annoncé que la pause durerait 20 minutes.

[10]         L’avocat de la Couronne est demeuré dans la salle d’audience pour discuter de quelques points avec l’avocat de la défense. Il est ensuite descendu pour s’acheter à boire dans la cafétéria où il a aperçu le juge qui attendait aussi dans la queue de la cafétéria. Après avoir acheté sa boisson, le procureur de la Couronne est retourné à son bureau et a entrepris de lire un rapport psychiatrique concernant un accusé dans un dossier qu’il devait présenter ce même jour.

[11]         Au moment où la pause du matin a été prise, le rôle provincial contenait au moins 33 accusations criminelles impliquant dix accusés dont les noms restaient sur le rôle.

[12]         Sur le rôle figuraient également des affaires fédérales.

[13]         La greffière était la première à revenir de la pause, vers 11 h 40. Elle a déverrouillé les portes et a diffusé une annonce pour faire revenir tout le monde dans la salle d’audience. Il y a aussi eu un appel distinct pour le procureur de la Couronne. Le sténographe judiciaire est revenu un peu plus tard et a activé le matériel d’enregistrement à 11 h 45, 21 secondes. À ce moment-là, toutes les personnes qui devaient se trouver dans la salle d’audience 202 ont été à nouveau appelées, l’annonce précisant que la séance était sur le point de commencer. La greffière a appelé une fois encore le procureur adjoint de la Couronne pour qu’il revienne dans la salle d’audience.

[14]         Le juge Chisvin a entendu le premier appel vers 11 h 40 et a demandé à la greffière si tout le monde était prêt à reprendre la séance. La greffière a répondu que tout le monde était présent sauf le procureur de la Couronne, et le juge Chisvin a déclaré qu’il allait venir sans se presser (‘wander down’).

[15]         À 11 h 46, 21 secondes, la séance a repris et le juge Chisvin est entré dans la salle d’audience. Le procureur adjoint de la Couronne n’était pas présent et la greffière l’a appelé une fois de plus.

[16]         Le juge Chisvin a ordonné à la greffière d’aviser le procureur de la Couronne que « s’il n’y avait pas de procureur dans la salle dans une minute, il annulerait le rôle faute de poursuites » (“if there’s not a prosecutor here within a minute, the list will go for want of prosecution.”)

[17]         La greffière a appelé le bureau des procureurs de la Couronne et a parlé à une réceptionniste en lui disant « J’ai besoin d’un procureur de la Couronne dans la salle 202 » (“I need a Crown in 202…”). Le juge Chisvin a dit à la greffière de préciser qu’il leur donnait 30 secondes en affirmant que « le rôle allait être annulé faute de poursuites, Madame la Greffière ») (“The list is about to go for want of prosecution, Madam Clerk”).

[18]         La greffière a informé le juge que le bureau du procureur de la Couronne allait envoyer un procureur de la Couronne. Elle a appelé à nouveau le procureur adjoint de la Couronne.

[19]         Un avocat de la défense a demandé si la greffière avait appelé le bureau des procureurs de la Couronne. Le juge Chisvin a répondu : « Elle n’a pas a) à appeler le bureau des procureurs de la Couronne, et b) le rôle va être annulé faute de poursuites. » (“It’s not her function (a) to call the Crown’s office, (b) the list is about to go for want of prosecution.”)

[20]         L’avocat de la défense a proposé de se rendre lui-même au bureau des procureurs de la Couronne afin de trouver le procureur. Le juge Chisvin a répondu : « Trente secondes…c’est tout. » (“Thirty seconds…that’s all.”)

[21]         À 11 h 47, 48 secondes, une minute et 27 secondes après que la séance a repris, le juge Chisvin a rejeté toutes les charges par ces mots : « Bon, toutes les affaires provinciales sont rejetées faute de poursuites. » (“All right, all provincial matters are dismissed for want of prosecution.”)

[22]         Ainsi, les accusés et les plaignants qui s’attendaient à ce que leur affaire soit réglée le 21 juillet 2011 n’ont pas obtenu de décision sur le fond pour leur affaire.

[23]         Les affaires fédérales qui se trouvaient sur le rôle n’ont pas été concernées par la décision du juge Chisvin.

[24]         À 11 h 53, 44 secondes, le procureur de la Couronne provincial est revenu dans la salle d’audience. L’échange suivant a eu lieu entre le procureur de la Couronne et le tribunal :

Le tribunal :  M. McCallion, toutes les affaires provinciales ont été rejetées faute de poursuites. Il n’y avait pas de procureur présent pendant 10 minutes et on vous a appelé plusieurs fois. Les accusations ont été rejetées faute de poursuites. Il ne nous reste que les affaires fédérales sur le rôle.

M. McCallion:          Je vous présente mes excuses, Monsieur le Juge. Je, je viens de recevoir un rapport d’Ontario Shores concernant M. S[nom expurgé] qui est …

Le tribunal :  Peut-être bien. Le tribunal reprend quand le juge est de retour. On vous a appelé. On vous a appelé dans le couloir. On a appelé le bureau des procureurs de la Couronne, pas de procureur. Les accusations sont rejetées faute de poursuites.

[25]         Vers 11 h 53, 44 secondes, le juge Chisvin a annoncé que le tribunal passait aux affaires fédérales.

[26]         Plus tard ce jour-là, le juge Chisvin a reconnu qu’il avait commis une erreur monumentale. Il a contacté le juge principal régional et au cours des jours suivants, il a demandé et obtenu un congé pour régler des difficultés personnelles.

Tentatives de réparer le rejet des accusations

[27]         En raison du rejet des accusations faute de poursuites, le ministère du Procureur général a dû prendre certaines mesures pour remédier aux conséquences de la décision du juge Chisvin, dont l’obtention du consentement du sous-procureur général pour obtenir à nouveau les dénonciations nécessaires sous serment, la signification de nouveaux mandats de comparution aux personnes concernées et le dépôt d’appels pour protéger le droit de poursuivre la procédure malgré les défenses d’autrefois acquit.

[28]         Des ressources ont été consacrées pour obtenir à nouveau des dénonciations sous serment et reconvoquer les accusés. Les personnes qui s’attendaient à ce que leur affaire soit réglée définitivement le 21 juillet 2011 devaient se représenter au tribunal et voir leur audition reportée pendant des semaines et, dans certains cas, pendant des mois. Les accusés et les victimes qui espéraient obtenir une décision définitive ont dû repartir dans l’incertitude quant à l’issue de leur affaire.

[29]         Un dossier a fait l’objet d’un appel à la Cour d’appel de l’Ontario :  R. v. Siciliano, 2012 ONCA 168. La Cour a accepté l’appel, a annulé le rejet faute de poursuites et a restauré les condamnations en déclarant, au par. 9 :

[9] Il est évident que le juge de première instance n’avait pas compétence pour rendre l’ordonnance qu’il a prétendu rendre. C’était illégal et un abus de son pouvoir de magistrat. En outre, même s’il avait ce pouvoir, rien ne justifiait l’ordonnance selon les faits de l’affaire. Les actions du juge de première instance étaient arrogantes et ont nui à la bonne administration de la justice. [TRADUCTION] [30]         La Cour d’appel a remis l’affaire au juge Justice Chisvin pour qu’il prononce la peine. Le 30 mars 2012, lors de la comparution prévue de M. Siciliano, le juge Chisvin s’est exprimé en ces termes :

J’aimerais présenter mes excuses à M. Siciliano, à vous, à lui, au procureur de la Couronne, à la défense et au public pour le retard regrettable dans le prononcé de la peine dans cette affaire. M. Siciliano a comparu devant moi le 21 juillet 2011, il y a plus de huit mois, lors d’une audience où j’ai pris la fâcheuse décision de rejeter les accusations contre lui et les autres accusés qui figuraient encore au rôle ce matin-là. J’ai bien évidemment commis une erreur. Je regrette profondément cette décision. J’espère que l’inconvénient de faire M. Siciliano comparaître à nouveau avec du retard ne lui a pas causé de préjudice injustifié. Comme je suis sûr que vous le lui avez expliqué, M. Goldglass, la Cour d’appel a corrigé mon erreur et a renvoyé l’affaire devant moi pour que j’impose la peine … [TRADUCTION]

B.           AVEUX

[31]         Le juge Chisvin reconnaît ce qui suit :

a)      Ses actions étaient contraires à la norme de conduite attendue d’un juge et contraires aux Principes de la charge judiciaire destinés aux juges de la Cour de justice de l’Ontario, qui ont été établis et approuvés en vertu du paragraphe 51.9 (1) de la Loi sur les tribunaux judiciaires;

b)     Sa conduite du 21 juillet 2011 constitue une inconduite judiciaire qui justifie la prise d’une décision sous le régime du paragraphe 51.6 (11) de la Loi sur les tribunaux judiciaires;

c)      Ses actions ont nui à la confiance des membres du public, y compris des accusés, victimes et avocats, envers ses capacités de juge, envers la magistrature en général et envers l’administration de la justice.

C.           ANALYSE

[32]         Le comité d’audition doit commencer par décider s’il y a eu ou non inconduite judiciaire. Selon l’exposé conjoint des faits et l’aveu du juge Chisvin, nous sommes convaincus que la conduite en question constitue bien une inconduite judiciaire.

[33]         Notre comité doit principalement déterminer quelles mesures, parmi celles qui sont énoncées au paragraphe 51.6 (11) de la Loi sur les tribunaux judiciaires, sont nécessaires pour restaurer la confiance du public envers la magistrature.

[34]         Cette disposition prévoit que si le comité conclut qu’il y a eu inconduite de la part du juge, il peut, selon le cas :

a)           donner un avertissement au juge;

b)           réprimander le juge;

c)           ordonner au juge de présenter des excuses au plaignant ou à toute autre personne;

d)           ordonner que le juge prenne des dispositions précises, telles suivre une formation ou un traitement, comme condition pour continuer de siéger à titre de juge;

e)           suspendre le juge, avec rémunération, pendant une période quelle qu’elle soit;

f)            suspendre le juge, sans rémunération mais avec avantages sociaux, pendant une période maximale de trente jours;

g)           recommander au procureur général la destitution du juge conformément à l’article 51.8.

[35]         Conformément au paragraphe 51.6 (12), nous pouvons adopter toute combinaison de ces mesures, sauf qu’une recommandation au procureur général que le juge soit destitué ne peut pas être combinée à une autre mesure.

[36]         Nous sommes d’accord avec l’argument de l’avocate qui a fait la présentation selon lequel pour décider de la mesure indiquée nous devons porter notre attention sur ce qui est nécessaire pour restaurer la confiance du public envers le juge et envers la magistrature.  Voir l’affaire Re Douglas, Ontario Judicial Council (March 6, 2006), par. 8-9 :

[8] Selon les décisions Re: Baldwin et Re: Evans, le critère pour établir l’inconduite judiciaire combien deux facteurs connexes : (1) la confiance du public; et (2) l’intégrité, l’impartialité et l’indépendance du juge ou de l’administration de la justice. Le premier facteur exige que le comité d’audition attache de l’importance non seulement à la conduite en question, mais également à l’apparence de cette conduite aux yeux du public. Comme indiqué dans la décision sur l’affaire Therrien, le public exigera au moins qu’un juge donne l’apparence de l’intégrité, de l’impartialité et de l’indépendance. Ainsi, le maintien de la confiance du public envers le juge personnellement, et envers l’administration de la justice en général, est un facteur essentiel dont il faut tenir compte pour évaluer la conduite reprochée. En outre, la conduite doit être telle qu’elle implique l’intégrité, l’impartialité ou l’indépendance de la magistrature ou de l’administration de la justice.

[9] En conséquence, un juge doit être et doit paraître impartial et indépendant. Il doit avoir, ou sembler avoir, une intégrité personnelle. Si un juge se conduit d’une façon qui démontre qu’il n’a pas l’un de ces attributs, il peut être considéré comme ayant commis une inconduite judiciaire. [TRADUCTION] [37]         Dans la décision Re Baldwin, Ontario Judicial Council, (May 10, 2002), p. 6, le comité d’audition a déclaré ce qui suit :

Une fois qu’il est établi qu’une mesure en vertu du paragraphe 51.6 (11) s’impose, le Conseil devrait envisager en premier la mesure la moins grave, l’avertissement, et remonter une mesure à la fois jusqu’à la mesure la plus grave, la recommandation de destitution, et n’ordonner que la mesure qui est nécessaire pour restaurer la confiance du public envers le juge et l’administration de la justice en général. [italiques ajoutés] [TRADUCTION] [38]         Nous avons également trouvé que la liste de facteurs dressée par la Cour suprême de l’État de Washington dans l’arrêt In re Hammermaster, 985 P.2d 924 (1999), aux pages 941-2, était pertinente pour évaluer la sanction indiquée en cas d’inconduite judiciaire :

  1. Si l’inconduite est un incident isolé ou si elle s’inscrit dans une suite d’inconduites;
  2. La nature, l’étendue et la fréquence des actes d’inconduite;
  3. Si la conduite s’est produite à l’intérieur ou à l’extérieur de la salle d’audience;
  4. Si l’inconduite a eu lieu dans l’exercice des fonctions du juge ou dans sa vie privée;
  5. Si le juge a reconnu que les faits ont eu lieu;
  6. Si le juge a démontré des efforts en vue de modifier ou corriger sa conduite;
  7. La durée de service du juge;
  8. Si des plaintes ont déjà été déposées par le passé contre le juge;
  9. Les répercussions de l’inconduite sur l’intégrité et le respect de la magistrature;
  10.  La mesure dont le juge a profité de sa position pour satisfaire des désirs personnels. [TRADUCTION]
[39]         En l’espèce, ce qui constitue des circonstances aggravantes, l’inconduite a eu lieu dans la salle d’audience, dans l’exercice des fonctions officielles du juge.

[40]         Par ailleurs, l’inconduite en question était grave. Il est évident qu’elle a eu des répercussions négatives sur la confiance du public envers l’administration de la justice. L’inconduite a causé des inconvénients importants aux accusés, aux victimes, aux avocats et à l’administration des tribunaux. Les affaires rejetées n’ont pu être restaurées et examinées convenablement que moyennant des frais importants pour le public et après un retard énorme.

[41]         Toutefois, il existe de nombreux facteurs atténuants.

[42]         Il ressort clairement du dossier devant nous, qui contient quelque 45 lettres de soutien écrites par des magistrats collègues du juge Chisvin et par des avocats qui se présentent régulièrement devant lui, que son inconduite constituait une « aberration » et un incident isolé.

[43]         L’incident s’est déroulé en l’espace de quelques minutes. Le juge Chisvin a reconnu son inconduite. Il a avoué avoir commis une erreur grave et, au courant de la journée, il s’est rendu vers son juge principal régional pour lui signaler son erreur et demander de l’aide.

[44]         Il a à plusieurs reprises exprimé ses regrets sur ce qui s’était passé. À l’audience devant nous, aujourd’hui, il a à nouveau exprimé son profond regret pour ses actions et les conséquences qu’elles ont eues sur l’administration de la justice et le public.

[45]         Rien ne suggère que cet incident isolé a été précédé ou suivi par une inconduite semblable de la part du juge. Le juge Chisvin est magistrat depuis huit ans. Il n’y a jamais eu de plainte contre sa conduite au Conseil de la magistrature de l’Ontario.

[46]         Nous remarquons également que le juge Chisvin a pris des mesures en vue de corriger et modifier son comportement. Il a immédiatement reconnu qu’il avait agi sous l’emprise d’un stress inhabituel en raison de problèmes personnels. Il a demandé et obtenu un congé de courte durée pour obtenir de l’aide professionnelle.

[47]         Les lettres de soutien de ses collègues, d’autres juges qui le connaissent et d’avocats qui apparaissent régulièrement devant lui confirment que le juge Chisvin est un juge consciencieux, dévoué et déterminé à améliorer l’administration de la justice. Ses collègues affirment qu’il est toujours prêt à aider en siégeant des heures supplémentaires pendant les vacances ou pendant des heures qui ne lui ont pas été affectées, et qu’il est considéré comme un juge vers qui on a l’habitude de se tourner en cas de difficulté. Ses collègues le décrivent comme un juge qui sait se moquer de lui-même et qui est très agréable. Il contribue fréquemment aux programmes de formation judiciaire et aux programmes de procès fictifs pour les étudiants en droit. Il a déployé d’immenses efforts pour encourager et encadrer les jeunes avocats.

[48]         Bien que la conduite autrement apparemment exemplaire du juge Chisvin n’excuse pas la conduite qui a donné lieu à cette audience, nous estimons qu’elle influe directement sur la mesure qui doit être imposée pour rétablir la confiance du public envers sa capacité à rendre la justice et envers le système de justice dans son ensemble.

[49]         Nous concluons que l’incident qui a donné lieu à cette audience était une aberration commise par un juge consciencieux et dévoué, qui a entièrement reconnu son inconduite et qui ne minimise pas ses conséquences. Il a fait ce qu’il pouvait pour réparer le tort qu’il a commis en demandant de l’aide personnelle pour lui-même et en proposant un programme éducatif pour d’autres juges sur le sujet de la réalité du stress.

[50]         À notre avis, la confiance envers l’administration de la justice que ressentirait un membre du public mis au courant de tous ces faits serait restaurée par la mesure suivante.

[51]         Le juge Chisvin est par la présente formellement réprimandé pour son inconduite et averti que toute inconduite semblable aurait des conséquences graves sur l’administration de la justice et ses fonctions de juge.

[52]         Étant donné les mesures que le juge Chisvin a déjà prises, notamment la présentation d’excuses pour son inconduite, l’obtention d’aide professionnelle, la proposition d’un programme éducatif sur la question du stress, que nous l’encourageons vivement à poursuivre, et l’exécution de ses fonctions avec intégrité depuis l’incident, nous sommes d’avis qu’aucune autre mesure n’est nécessaire.

Fait ce 26 jour de novembre 2012.

COMITÉ D’AUDITION :

L’honorable juge Robert Sharpe, président
Cour d’appel de l’Ontario

L’honorable juge Deborah K. Livingstone
Cour de justice de l’Ontario

M. W. A. Derry Millar
WeirFoulds LLP
Membre représentant les avocats

M. Anish Chopra
Membre représentant le public