Ouverture des tribunaux de l’Ontario 2016

Allocution du juge en chef George Strathy à l’occasion de l’ouverture des tribunaux de l’Ontario, le 13 septembre 2016

Distingués invités, Mesdames et Messieurs, bienvenue à l’ouverture des tribunaux de l’Ontario.

Nous parlons souvent du « système de justice » comme s’il s’agissait d’un monolithe anonyme. Cette cérémonie nous rappelle que le système judiciaire se compose de personnes; des personnes comme les juges, les protonotaires et les juges de paix dévoués que vous voyez devant vous. Des personnes comme le personnel assidu des tribunaux qui assurent le fonctionnement du système. Des personnes comme les avocats et les parajuristes qui remplissent chaque jour la promesse de l’accès à la justice. Des personnes comme nos législateurs, les fonctionnaires et les agents de police – qui font, administrent et exécutent nos lois.

Puisque nous sommes assis dans l’une des plus grandes salles d’audience de la province, au centre-ville de Toronto, il est important de ne pas oublier qu’aux quatre coins de notre grande province, des centres urbains aux communautés rurales, dans plus de 161 palais de justice, de Kenora à Cornwall et de la baie Gore à Goderich, y compris des tribunaux accessibles par hydravion seulement dans le Nord, des milliers de personnes servent diligemment le système de justice et assurent son fonctionnement.

Malgré notre distance géographique et nos rôles différents, nous partageons tous un objectif commun : maintenir et améliorer notre système de justice, pas parce que c’est une fin en soi, mais parce que nous savons qu’un solide système de justice est essentiel pour maintenir une société juste et équitable.

Nous chérissons notre système de justice, tout en reconnaissant ses lacunes. Même lorsque nous célébrons ses forces, nous n’avons de cesse de l’améliorer.

Ces dernières années, j’ai parlé du besoin d’améliorer l’efficacité du système de justice. Cet été, la Cour suprême du Canada nous a secoués avec la même urgence dans ses motifs de l’arrêt The Queen c. Jordan. La Cour suprême nous a implorés de travailler collectivement pour éliminer ce qu’elle a appelé la « culture des délais » et a énoncé de nouvelles directives pour déterminer quand des délais ne sont pas raisonnables dans des instances criminelles.

La Cour suprême a affirmé, je cite : « Un changement réel nécessitera que tous les participants au système de justice criminelle fassent des efforts et se coordonnent. » fin de citation. Elle vise les législateurs, les fonctionnaires et les avocats, mais également la magistrature. La Cour suprême nous avertit que ce changement nécessitera peut-être de revoir les régimes de gestion des instances et elle appelle les juges de première instance à, je cite, « faire des efforts raisonnables pour diriger et gérer le déroulement des procès », fin de citation. Ce message ne s’arrête pas aux tribunaux de première instance. La Cour suprême conseille aux tribunaux d’appel de faire preuve de déférence à l’égard des choix des cours de première instance en matière de gestion des instances et de tenir compte de l’impact de nos décisions sur la conduite des procès.

Je sais que les dirigeants de la Cour suprême et de la Cour de justice de l’Ontario ont travaillé assidûment, cet été, à la promotion du respect des délais énoncés dans l’arrêt Jordan. Ces efforts viennent s’ajouter aux efforts déjà entrepris par ces Cours pour favoriser l’efficacité.

L’amélioration de l’efficacité nécessitera un changement de mentalité – un changement culturel – de la part de nous tous, réunis dans cette salle. Nous devrons reconnaître que l’accès à la justice et la confiance du public sont liés à l’efficacité de la justice.

Un changement réel exigera également un important investissement dans la modernisation du système de justice, pour nous doter des outils et de la technologie dont nous avons besoin pour gérer notre charge de travail et mieux servir le public. Je sais que le procureur général et le personnel du ministère sont conscients de ce besoin et j’espère que les ressources nécessaires nous seront octroyées à cette fin.

Certains domaines du droit ont désespérément besoin de changement. Les deux paliers de gouvernement semblent avoir renouvelé leur engagement de collaborer en vue de trouver une solution à quelques-uns de nos problèmes les plus pressants. J’en mentionnerai deux d’entre eux.

Premièrement, la justice pour les Autochtones. Les gouvernements fédéral et provincial ont pris l’engagement de résoudre les problèmes de justice pour les Autochtones qu’a soulignés le rapport de la Commission de vérité et de réconciliation. Il est très perturbant que, quinze ans après la décision de la Cour suprême dans l’affaire Gladue, qui relevait le taux disproportionné d’incarcération des Autochtones, ce taux d’incarcération n’a fait qu’augmenter. Comme l’a fait observer la Commission de vérité et de réconciliation, plus d’un quart des accusés qui reçoivent une peine d’emprisonnement sont des Autochtones, malgré le fait que les Autochtones ne représentent que 4 % de la population. Je suis rassuré par les efforts renouvelés du ministère du Procureur général de travailler avec toutes les parties intéressées, y compris les trois Cours, en vue de résoudre ces problèmes en priorité.

Deuxièmement, le droit de la famille. Nous sommes très optimistes à cet égard. Les années précédentes, j’avais insisté sur le besoin de mettre en œuvre une réforme du droit de la famille et j’avais relevé qu’une expansion de la Cour unifiée de la famille serait une solution efficace à cette fin. C’est avec grand plaisir que je constate une volonté, chez les deux paliers de gouvernement, d’étendre la Cour unifiée de la famille de l’Ontario. La juge en chef Smith et la juge en chef Maisonneuve collaborent avec le ministère du Procureur général à ce projet et sont en bonne voie d’élaborer un plan pratique d’expansion de la Cour unifiée de la famille qui apportera des améliorations concrètes pour la population ontarienne. Ces projets démontrent ce que nous sommes capables d’accomplir lorsque nous joignons nos forces.

Passons maintenant à la Cour d’appel de l’Ontario, la Cour que j’ai l’honneur de présider. Je suis secondé par la juge en chef associée Alexandra Hoy, qui est non seulement une juge sage et de bons conseils, mais également une leader inébranlable de notre Cour. Nous avons la chance de servir notre Cour avec 27 juristes exceptionnels qui se passionnent pour le droit et l’administration de la justice.

La nature et le rythme de notre travail sont difficiles. Nous entendons près de 1 000 appels et 1 000 motions chaque année. Dans la plupart des cas, nous sommes le dernier palier d’appel. Les affaires que nous entendons sont importantes pour les parties et marquantes sur le plan de la jurisprudence. Elles forment et orientent notre droit. En dépit du volume et de la complexité de notre charge de travail, nous parvenons à exécuter nos responsabilités avec efficacité. En moyenne, un appel se règle en moins d’une année – de la date de dépôt de l’avis d’appel à la publication des motifs. Le délai moyen entre la mise en état de l’appel à l’audience est d’environ cinq mois. Presque tous nos jugements en délibéré sont publiés dans la période cible de six mois et le délai moyen de publication des décisions en délibéré est seulement d’un mois et demi.

La Cour continue de vivre une période de changements sans précédent parmi ses effectifs. Près des deux-tiers de nos juges à temps plein ont été nommés au cours des cinq dernières années. Et ce rythme effréné se poursuit. Nous avons actuellement trois postes vacants et deux autres postes devraient se libérer l’année prochaine.

Afin de pouvoir maintenir la qualité et l’efficacité de notre travail, il nous faudra deux nominations rapidement. J’ai récemment rencontré la ministre Wilson-Raybould et je suis certain qu’elle veillera à pourvoir en priorité ces postes et des postes dans d’autres tribunaux du Canada, en temps opportun.

En avril, le gouvernement de l’Ontario a confié à notre collègue, le juge Michael Tulloch, le soin de diriger un examen indépendant de la surveillance de la police. Le juge Tulloch a entrepris des consultations à l’échelle de la province et il devrait remettre son rapport en 2017. Bien que sa présence quotidienne dans les comités d’audition nous manque, nous sommes fiers qu’il ait été choisi pour mener cet examen important et je sais que son rapport contribuera grandement à la justice dans notre province.

Nous savons que les avocats souhaiteraient voir l’expansion du dépôt électronique de documents et des possibilités de comparutions à distance. Le ministre Naqvi a promis de nous aider avec cette innovation technologique. Nous travaillons en étroite coopération avec le sous-ministre Monahan et les nouvelles sous-ministres adjointes assignées aux services aux tribunaux et à la modernisation, Shelia Bristo et Lynn Norris, à l’étude de nos options d’améliorations technologiques et nous espérons apporter des améliorations concrètes ces prochaines années.

L’année qui vient, nous reprendrons notre série de programmes de liaison provinciaux. En octobre, les juges de la Cour rencontreront d’autres magistrats et des avocats à London (Ontario). Ils en profiteront pour rencontrer aussi les étudiants et le corps professoral de la faculté de droit de l’Université Western Ontario, et visiteront des cliniques d’aide juridique locales, ainsi qu’un centre de détention régional. Ces visites sur place sont très importantes pour nous familiariser avec le travail de nos partenaires du secteur de la justice, dans l’ensemble de la province.

Pour terminer, je reviens à mes propos d’ouverture. À chaque niveau, dans notre province, le système de justice est administré et soutenu par des gens doués et dévoués. Nous faisons face à de nombreux défis : améliorer l’efficacité du système, réduire les délais et répondre en priorité aux besoins dans certains domaines, comme la justice pour les Autochtones et le droit de la famille. Le secteur de la justice a besoin d’investissements de taille pour se mettre au diapason de la réalité du 21e siècle. Cependant, je suis sûr qu’en unissant nos forces, nous parviendrons à apporter des réformes concrètes qui répondront à ces besoins au cours des prochaines années.

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