Ouverture des tribunaux – 2018

ALLOCUTION DE LA JUGE EN CHEF HEATHER SMITH
COUR SUPÉRIEURE DE JUSTICE
OUVERTURES DES TRIBUNAUX
TORONTO, LE 13 SEPTEMBRE 2018

Salutations : Son Honneur l’honorable Elizabeth Dowdeswell, juges en chef, collègues de la magistrature, Madame la Procureure générale, M. Sean Gaudet, au nom de la ministre fédérale de la Justice, Monsieur le Trésorier, membres du Barreau, parajuristes et distingués invités.

Introduction

Je vous souhaite, à tous et à toutes, la bienvenue à l’occasion du début de cette nouvelle année judiciaire.

C’est avec grand plaisir que je participe, une fois de plus, à la cérémonie d’ouverture des tribunaux.

Madame la Procureure générale, Caroline Mulroney, et Monsieur le Trésorier du Barreau de l’Ontario, Malcom Mercer, je vous adresse mes vœux les plus chaleureux dans vos nouvelles fonctions respectives.

J’aimerais tout d’abord remercier tout particulièrement les juges, les protonotaires et les juges suppléants compétents et dévoués qui siègent à la Cour supérieure de justice ainsi que le personnel des tribunaux qui épaule sans relâche nos officiers de la justice. La Cour supérieure continue d’adhérer à des normes d’excellence très élevées et distinguées en ce qui concerne son indépendance, sa capacité de répondre aux besoins et son ouverture à l’égard de tous et de toutes.

Je tiens à reconnaître expressément les efforts soutenus de la sous-procureure générale adjointe de la Division des services aux tribunaux du ministère du Procureur général, Madame Sheila Bristo, et de son personnel, ainsi que ceux de la sous-procureure générale adjointe de la Division de la modernisation du ministère, Madame Lynn Norris, et de son personnel. Il y a encore beaucoup à faire, mais je vous remercie de votre travail, de votre souplesse et des réussites que nous avons partagées pendant la dernière année.

Les cadres supérieurs de la Cour, quant à eux, ont travaillé fort avec le ministère du Procureur général et nos partenaires du secteur de la justice pour améliorer l’accès à la justice au moyen de nombreuses initiatives. De meilleures formations pour les juges, la modernisation et la mise sur pied d’un comité directeur pour mieux guider les décisions sur les installations et les priorités n’en sont que quelques exemples. Parallèlement, la Cour a fait de son mieux pour gérer sa charge de travail avec les ressources dont elle dispose.

Encore une fois en 2017, la Cour supérieure de justice a été la cour supérieure la plus sollicitée au Canada, avec plus de 72 000 nouvelles affaires civiles, 60 000 nouvelles affaires devant la Cour des petites créances, 48 000 nouvelles affaires de droit de la famille, 3 500 nouvelles affaires criminelles et 1 300 nouvelles affaires soumises à la Cour divisionnaire. Je suis très fière de la capacité de la Cour supérieure à répondre aux besoins des citoyens et des citoyennes, malgré sa charge de travail très élevée.

Effectif judiciaire

Cela semble aller de soi, mais pour répondre à une telle charge de travail, la Cour supérieure a besoin de juges et de suffisamment d’espace pour que les juges puissent s’acquitter de leurs fonctions. Malgré les six dernières nominations annoncées le 31 août, il restait encore 21 postes vacants au sein de notre magistrature à la fin du mois. Certains de ces postes sont vacants depuis 2017.

En droit criminel, l’incapacité de fournir un juge ou une salle d’audience en temps voulu entraîne la suspension des instances et empêche que les instances soient tranchées sur le fond. Je suis très fière des efforts ciblés déployés par notre Cour pour respecter les délais fixés par la Cour suprême du Canada pour les instances criminelles. Nos juges ont travaillé avec assiduité, ont inscrit les affaires au rôle de façon stratégique et ont renoncé aux semaines où ils ne devaient pas siéger et à leurs vacances pour faire avancer les instances. Bien que certaines instances aient été suspendues en raison des délais, en général, nous avons réussi à maintenir le cap à court terme. Cependant, cela n’est pas viable à long terme.

Dans le cas des affaires de droit de la famille et des affaires civiles, les postes de juge vacants entraînent des retards injustifiés et laissent les parties dans l’incertitude, ce qui peut être extrêmement difficile et peut laisser les familles aux prises avec des conflits qui dégénèrent. Surtout, le temps requis pour pourvoir les postes de juge vacants est problématique pour les plus vulnérables d’entre nous – les enfants pris en charge par la protection de l’enfance ou qui sont visés par des instances relatives à la garde et aux droits de visite.

Il y a des limites à ce que nous pouvons faire lorsque 21 postes de juge – ce qui représente près de 10 pour cent de notre effectif judiciaire à temps plein – sont vacants pendant des mois et des mois.

Bien que le nouveau processus de nomination des juges nous ait donné d’excellents juges, le processus a été particulièrement lent au cours des huit derniers mois. Cette lenteur ne s’explique pas, puisque la ministre de la Justice est avisée au moins six mois en avance des postes qui deviendront vacants.

Gaudet, j’ai écrit à la ministre de la Justice pour porter cet enjeu à son attention, et je l’ai exhortée à établir un nouveau système pour pourvoir les postes de juge vacants rapidement, au fur et à mesure qu’ils deviennent vacants. Je vous demande, de nouveau, de lui transmettre ce message. Il faut améliorer le processus pour maintenir l’effectif de notre Cour à son maximum afin que nous puissions continuer de faire notre important travail, soit d’assurer un accès rapide à la justice.

Installations

Il va sans dire que les juges ont besoin d’espace pour effectuer leur travail. Dans de nombreux palais de justice, on manque de salles d’audience, de salles pour les conférences en vue d’un règlement et de bureaux pour les juges. La province doit répondre rapidement et raisonnablement aux demandes d’amélioration des installations qui ont une incidence directe sur la capacité de la Cour supérieure de s’acquitter de ses fonctions judiciaires.

Nous réalisons qu’il y a de nombreuses demandes concurrentes pour l’espace limité dans les palais de justice. Cependant, la meilleure utilisation des palais de justice est pour régler et trancher des litiges. Si nous n’avons pas l’espace nécessaire, c’est le système judiciaire au complet qui s’en trouve entravé, ce qui mine la confiance du public envers cette institution fondamentale de notre démocratie.

Cour unifiée de la famille

En ce qui concerne les affaires de droit de la famille, la dernière année a été exceptionnellement productive. Plus particulièrement, les trois cours de l’Ontario et les deux ordres de gouvernement ont uni leurs forces pour la première fois en près de 20 ans afin que l’expansion de la Cour unifiée de la famille (CUF) devienne une réalité!

La première phase de cette expansion prévoit l’ouverture de huit nouvelles cours unifiées de la famille, ce qui signifie que 25 des 50 palais de justice de la Cour supérieure auront adopté le modèle de la CUF. La moitié de la population de l’Ontario sera servie par une seule cour pour toutes les instances de droit de la famille, lesquelles seront présidées par des juges de la Cour supérieure.

J’aimerais remercier la ministre de la Justice de s’être engagée à assurer des ressources adéquates et un nombre suffisant de juges pour les nouvelles CUF. L’Ontario est bien positionné pour mettre en œuvre la phase 1 de cette initiative en mai 2019. J’aimerais également remercier sincèrement le personnel du ministère du Procureur général qui a travaillé d’arrache-pied pour assurer la mise en œuvre de la CUF dans les meilleurs délais.

L’Ontario continue également de planifier la deuxième phase de l’expansion, notre objectif commun étant de déployer ce modèle dans l’ensemble des palais de justice de la Cour supérieure de la province d’ici 2025. J’aimerais également exprimer ma profonde reconnaissance au juge principal de la Cour de la famille, Monsieur le juge George Czutrin, pour son leadership qui a permis à cette expansion de la CUF de se concrétiser.

Madame la Procureure générale, afin que l’Ontario puisse étendre le modèle de la Cour unifiée de la famille à l’ensemble des palais de justice de la province d’ici 2025, le gouvernement de l’Ontario doit s’engager à fournir des installations suffisantes pour soutenir cette initiative. Les trois principaux lieux où d’importants problèmes d’installations empêchent l’expansion de la CUF sont Milton, Brampton et Toronto.

La solution pour Milton est le nouveau palais de justice de la région de Halton. Nous sommes toujours ravis que ce nouveau palais de justice central, qui sera construit à Oakville, pourra accommoder pleinement l’expansion de la CUF dans la région très achalandée de Halton.

À Brampton, il y a une solution – mais elle demeure hors d’atteinte! J’ai insisté auprès de votre prédécesseur sur l’importance de terminer les six étages de la nouvelle aile du palais de justice de Brampton. À l’heure actuelle, seuls les deux premiers étages seront complétés. Seule la coquille extérieure des quatre autres étages sera construite. Les travaux de ce palais de justice doivent être terminés si nous souhaitons établir une CUF dotée de ressources adéquates à Brampton.

Pour terminer, à Toronto, nous avons longuement cherché des endroits pour ouvrir une CUF dans les environs d’Osgoode. Aucune solution n’a été trouvée. La meilleure option, et la seule option viable, pour établir une Cour unifiée de la famille à Toronto, a toujours été et demeure le nouveau palais de justice de Toronto.

Tel que proposé actuellement, le nouveau palais de justice de Toronto sur la rue Armoury ne regroupera que les cinq activités de droit criminel de la Cour de justice de l’Ontario à Toronto. Le regroupement de la quasi-totalité des affaires criminelles de Toronto dans le même édifice au centre-ville soulève de réelles préoccupations pour notre Cour et les environs. De plus, en allant de l’avant avec les plans actuels, lesquels ne comprennent pas l’établissement d’une CUF, nous éliminons également la meilleure option pour une CUF à Toronto, possiblement pour plusieurs décennies.

Madame la Procureure générale, nous sommes tous d’accord que le nouveau palais de justice de Toronto est plus que nécessaire. La construction de cet édifice dans les meilleurs délais est la meilleure utilisation de ce lieu. Cependant, avec l’appui énorme du barreau de la famille et de presque tous les partenaires du secteur de la justice familiale, je vous exhorte à revoir les priorités pour ce nouveau palais de justice afin qu’une CUF sécuritaire puisse également être établie dans ce nouvel édifice. J’aimerais vraiment vous rencontrer avec la juge en chef Maisonneuve pour discuter des défis en matière d’espace.

Droit civil

En ce qui concerne notre compétence civile, j’applaudis l’élargissement continu du dépôt électronique des affaires civiles par le ministère du Procureur général. Depuis mai 2018, les plaideurs peuvent déposer leurs déclarations et défenses pour les instances qui seront instruites dans tous les palais de justice de la Cour supérieure. C’est un bon début pour ce qui deviendra, nous l’espérons, une gamme complète de services de dépôt électronique de documents judiciaires.

Plusieurs cadres supérieures de notre Cour, sous la direction du juge en chef adjoint Marrocco, ont proposé une série de réformes, notamment celle visant à restreindre les procès avec jury à certaines affaires visées par la procédure simplifiée. Le barreau civil appuie cette réforme et elle est approuvée par le Comité des règles en matière civile. Nous attendons maintenant une modification législative qui sera présentée par la Procureure générale. Nous prévoyons que, une fois la réforme mise en œuvre, ces causes civiles pourront être réglées de façon plus économique, proportionnellement au montant en cause.

De plus, à la fin 2017, la première juge et chef de l’administration de la Cour des petites créances a été nommée. Ce nouveau poste de juge assure à la division la plus grande et la plus occupée de notre Cour une surveillance uniforme de l’administration judiciaire, de la formation et de l’établissement du rôle. Je suis très heureuse de constater aujourd’hui la présence de la juge Laura Ntoukas, qui a si bien assumé ce nouveau rôle.

Formation des juges

Je suis également heureuse de signaler que la formation des juges a été au premier plan du programme de la Cour supérieure pendant la dernière année. Nous avons créé de nouveaux programmes de formation et de nouvelles ressources pour les nouveaux juges dans tous les secteurs d’activité de la Cour. Notre congrès de formation du printemps 2018 était consacré aux questions LGBTQ. Nous avons également élaboré des plans de formation adaptés aux besoins des nouveaux juges afin qu’ils disposent de tous les outils électroniques requis pour s’acquitter des fonctions de la Cour.

Conclusion

En terminant, je tiens à souligner l’importance de garder à l’avant-plan des décisions en matière de politique publique la confiance du public envers notre système de justice. La confiance du public envers les tribunaux est l’une des pierres angulaires de notre système de justice. C’est un aspect fondamental de la primauté du droit. Si cette confiance était perdue, il serait très difficile de la regagner.

Des tensions entre les pouvoirs judiciaire, exécutif et législatif du gouvernement sont inévitables. Cependant, je suis convaincue que si les différents pouvoirs du gouvernement font preuve de respect mutuel, le public continuera d’avoir confiance en nos institutions démocratiques.

Dans tous les secteurs d’activités qui relèvent de la Cour supérieure – l’établissement des rôles, l’attribution des fonctions, la formation des juges et l’élaboration de pratiques exemplaires et de politiques – nous continuerons de protéger et de promouvoir le prononcé de décisions impartiales et bien raisonnées dans les meilleurs délais. Chaque comparution doit faire avancer une affaire de façon significative. C’est ce que nous devons faire pour conserver la confiance du public.

Nous avons beaucoup de travail devant nous. La Cour supérieure de justice travaille en collaboration avec tous ses partenaires du secteur de la justice, tout en gardant l’intérêt public au centre de ses préoccupations, afin d’améliorer l’administration de la justice en Ontario. La population que nous servons ne mérite rien de moins.

Merci. Thank you.